Être un facilitateur efficace

Être un facilitateur efficace

15 décembre 2021 Non classé 1
être un facilitateur efficace

Par Anaïs Blanckaert (Click), François Rocca (Click), Laurie Ceccotti (CETIC), Lucrezia Dibattista (CETIC), Bérengère Nihoul (CETIC), Chistophe Ponsard (CETIC) et Thomas Feron (Design innovation).

Qu’est-ce qu’un bon facilitateur ? Son rôle a-t-il évolué suite à la pandémie de 2019 ? La distance et le travail de co-innovation en ligne ont-ils eu un impact sur sa façon de travailler ?

Le Click, le CETIC et Design Innovation se sont alliés pour vous proposer une analyse croisée de ces questions, alimentée par des points de vue complémentaires de la recherche en entreprise et de la formation.

Il s’agit de la première pièce d’une série d’articles qui traiteront de la créativité à distance, des outils, méthodes et installations matérielles, et de la façon dont nous pouvons créer des opportunités face aux contraintes qui se sont imposées à nous, suite notamment au télétravail de masse.

Nous avons interpellé  des chercheurs, des porteurs de projets, ou des experts… qui participent très régulièrement à des séances d’intelligence collective dans le cadre de différents types de projets avec des entreprises Wallonnes. Nous leur avons posé la question suivante : « Qu’est-ce qu’un bon facilitateur ? »

La réponse que nous avons reçue était, en fait, une question : qu’est-ce qu’un facilitateur ?

Facilitateur du CLICK lors d’une séance d’idéation

Nous avons avant tout constaté que les rôles ne sont pas toujours clairs, dans l’esprit des participants, mais également pour les organisateurs de séance de travail collaboratif. Or, pour être un bon facilitateur, il faut savoir ce qui est de son ressort mais surtout ce qui ne fait pas partie de son rôle.

Selon le Larousse, un facilitateur est quelqu’un qui est chargé de faciliter le déroulement d’une action, d’un processus.

Selon nous, un facilitateur n’est pas (seulement) un animateur, un chauffeur de salle, il n’est pas non plus l’expert qui permet de cadrer les discussions dans le champ des possibles et mettre en avant l’état des connaissances actuelles sur le sujet. Le facilitateur aide les participants à être à l’aise pour faire émerger les idées, pour faire parler et collaborer. Il apporte une expertise méthodologique en termes de créativité et d’émergence d’idées. Cependant, le facilitateur est souvent aussi modérateur et gardien du temps.

Le facilitateur aide le porteur de projet à clarifier son idée en lui posant les bonnes questions. Il apporte une méthode et un cadre organisationnel sur lesquels s’appuyer pour assurer le déroulement d’une séance productive en termes d’idées innovantes. 

 Abordons dès lors ensemble les rôles du facilitateur, ses qualités et l’évolution de cette fonction nécessaire à toute activité co-créative face à la numérisation des échanges.

Les rôles du facilitateur

On fait appel à un facilitateur à différents moments de la vie d’une entreprise. Lorsque l’on cherche à développer un nouveau produit ou service, à renforcer un produit ou service. Lorsque des questions stratégiques se posent et qu’on souhaite y réfléchir collectivement et impliquer les collaborateurs, salariés ou toute partie prenante… On fait également appel à lui pour (re)mobiliser des équipes sur un projet.

La fonction de facilitateur est cruciale car c’est lui qui va gérer l’ensemble du processus facilité, il aura en charge la gestion du temps et devra veiller à ce que chacun puisse s’exprimer de façon équitable. Il pourra également résumer la situation régulièrement et faire avancer l’équipe dans le processus. D’autres noms sont donc parfois donnés au facilitateur : animateur, médiateur, modérateur. Lors d’un processus de facilitation, d’autres rôles complémentaires au sien sont également importants : le décideur qui permet d’avancer grâce à une première validation hiérarchique, divers experts qui apportent une connaissance spécifique sur un sujet (expert client, marketing, technologique…), le contestataire qui permet parfois de challenger les résultats. 

 Il est important qu’il connaisse les outils et les leviers qui peuvent booster la motivation et la créativité des participants. Il doit savoir se mettre à la place des autres, connaitre les participants, les comprendre et savoir quelles sont leurs limites. Le facilitateur débute son travail bien avant la séance proprement dite en établissant le but de la séance avec le demandeur. Il crée une structure (avec d’éventuels supports) et met en place un protocole. Lors de la séance, il expose le cadre et essaie de mettre à l’aise les participants afin d’encourager la créativité. Après la séance, il garde un rôle important afin de faire un rapport de la séance et des résultats. Il est parfois aidé dans son rôle par un secrétaire et/ou un observateur qui peuvent également le seconder pour certaines parties (séparer le groupe pour travailler en sous-groupes sur plusieurs points en parallèle, apporter une aide à un participant, etc.) .

Le facilitateur permet enfin, à un groupe de participants, d’appréhender de nouveaux outils, de nouvelles manières de travailler. Le rôle du facilitateur est vu comme un « ouvreur de perspectives » grâce à des outils accessibles qui permettent d’augmenter la créativité et donc l’innovation.

Le facilitateur en tant que chef d’orchestre et ouvreur de perspectives capte l’attention du groupe

En résumé, le facilitateur est un chef d’orchestre, qui, par le biais de méthodes et d’outils va permettre à chaque participant de prendre part à la partition, en créant du lien et en facilitant la communication entre acteurs en tenant compte des différents profils des participants. A partir de profils variés de participants, et d’objectifs parfois opposés, voire d’injonctions contradictoires, il va permettre à l’ensemble du groupe de tendre vers un sens commun.

Les qualités du facilitateur

Le facilitateur va devoir faire preuve de nombreuses qualités durant toute la durée de son accompagnement auprès du porteur de projet (voir la ligne du temps ci-dessous). Nous avons recueilli, auprès des participants réguliers à ce type d’activité mais aussi auprès des facilitateurs eux-mêmes, les qualités essentielles d’un facilitateur efficace.


Quelques qualités du facilitateur pour bien gérer un atelier.
  • La passion est essentielle et primordiale afin d’entraîner les autres et de les aider à donner le meilleur d’eux-mêmes.
  • La neutralité dans la posture du facilitateur est également une des premières qualités attendues. Il doit « rester dans son rôle », c’est à dire, se détacher du contenu de la séance pour se consacrer à son animation, ne pas proposer de lui-même de solution mais mener les participants à en imaginer.
  • La Flexibilité et l’improvisation: il doit être capable de s’adapter, que ce soit en amont de l’atelier, avec les différents sujets, mais également en direct en fonction des candidats et avec les différentes situations qui peuvent survenir. L’improvisation et la souplesse, c’est-à-dire la gestion des imprévus pendant la séance, font partie de cette flexibilité. Selon le déroulement de la séance, le facilitateur peut revoir la planification pendant celle-ci s’il sent qu’une piste prometteuse n’a pas été assez creusée.

L’agilité, l’adaptabilité en dérivent : savoir rebondir, faire évoluer le programme de la journée en fonction du groupe.

Enfin, dans le même ordre d’idées, le facilitateur doit être capable de se remettre en question dans ce rôle et se repositionner. Evaluer si ce qui a été fait a eu du sens, ce qui a fonctionné ou non pour les participants, que ça soit durant la séance ou lors de la phase de bilan.

  • Motivation et engagement : le facilitateur se montre optimiste, motivé et motivant. Il est également persévérant et dispose d’outils pour relancer les participants lorsque leur niveau d’engagement baisse. En tant qu’animateur, il sait gérer et animer le groupe et fait preuve de jovialité en assurant l’animation de la séance dans la bonne humeur. Il peut laisser la place à l’humour (surtout en début de séance) et est dynamique. Tout cela dans la bienveillance, il sait comment encourager les participants sans les stigmatiser, mettre à l’aise et gérer les profils de chacun et ne brusquer personne. La patience face aux différents rythmes et acquis des participants est également un signe de bienveillance. 
  • La communication : Le facilitateur est bon communiquant que ce soit à l’oral et dans sa capacité de synthèse et de rédaction. En collaboration avec les personnes chargées de la prise de notes, il propose, après chaque séance, une synthèse dans laquelle il expose clairement les résultats et les pistes d’ouvertures identifiées par les participants.
  • La compréhension des sujets abordés : il est également important pour le facilitateur de saisir la complexité du sujet abordé avec le porteur de projet pour proposer la ou les questions les plus pertinentes à traiter lors de l’atelier. En amont, il interroge donc le porteur de projet sur son idée, en l’abordant sous différents angles pour s’en assurer la compréhension. Le facilitateur ne devient, malgré tout, pas expert du domaine, mais acquiert avec les différentes expériences une maturité technique nécessaire et suffisante pour comprendre et guider le porteur de projet et les séances d’idéation. Il mobilise les ressources nécessaires et connait de nombreux exemples afin de pouvoir partager chaque cas de figure. Il est également doué de pédagogie et a une excellente capacité à expliquer, clarifier, vulgariser.
  • La planification : Elle consiste, pour le facilitateur à être organisé. Cela se traduit par un minutage en amont des différentes étapes d’une séance de facilitation lors de sa préparation, mais également à s’assurer que ce minutage est respecté tout au long de la séance, sans brusquer les participants. Il est important que le facilitateur établisse le « cadre », structure la séance et puisse s’y tenir pour atteindre son but, sans brider la créativité des participants. Il est donc à cet égard également le maitre du temps.

Cette planification va de pair avec une anticipation des points difficiles de la séance et le facilitateur connait les astuces pour s’en sortir le moment venu (changement de méthode, inducteurs…).

  • L’écoute : elle est au centre du métier de facilitateur. Celui-ci doit écouter les besoins exprimés mais doit aussi être attentif aux besoins « non exprimés », par le biais des attitudes non-verbales dans le groupe, des différents profils… Il doit être à l’écoute du porteur de projet, dès la préparation, mais aussi avec les participants lors de l’animation afin d’être toujours synchronisés avec les objectifs. En étant à l’écoute, il est également observateur et peut réagir à bon escient auprès d’un participant qui aurait des difficultés. A cette fin, il doit être capable de décoder le langage non verbal des participants (posture, expressions, gestes…).
  • La créativité : Enfin, cela parait évident, mais il s’agit, en plus de l’agilité, de donner des exemples, exercices, illustrations créatifs et mémorisables afin d’aider à l’expression de l’esprit créatif et constructif de chaque participant. 

De nombreux facilitateurs se sont exprimés sur leur expérience, notamment durant les confinements successifs. Ci-dessous, on découvre, par exemple, que les facilitateurs de Worklab[1] sont en accord avec les personnes ayant répondu à nos différentes enquêtes. Il s’agit de qualités qui sont aussi importantes en présentiel qu’en distanciel.


Source : Worklab (2020, décembre 15). Worklab [Vidéo]. YouTube.  Worklab : Comment savoir si on est fait pour la facilitation ?

Un facilitateur ne devrait pas …

Le facilitateur doit s’armer de nombreuses qualités, mais a contrario, d’après les personnes ayant participé à ce retour d’expérience, un facilitateur doit également prendre garde à ne pas faire un certain nombre d’impairs. L’illustration ci-dessous vous met en garde sur les mauvaises pratiques à éviter :

Quelques mauvaises pratiques à éviter

Il existe quelques astuces pour contourner ces difficultés.

Par exemple :

  • Faire appel à un gardien du temps afin cadrer subtilement la séance et les débats (celui-ci peut être identifié parmi les participants),
  • Faire des tests préalables afin d’éviter les embuches du gap technologique,
  • Mettre le pessimiste en posture valorisée de challenger, de contestataire, lui demander de jouer l’avocat du diable.

Ce qui a changé avec les ateliers en ligne

Après plusieurs mois d’expériences en ligne et en mode hybride, différents points de vue se complètent sur ce qui a changé dans l’animation et la participation aux activités co-créatives ainsi que dans le rôle du facilitateur.

Activité de brainstorming en ligne à la suite d’un test d’un prototype

Du point de vue des participants, il apparait que la majorité des répondants préfèrent les activités en présentiel, bien que certains s’accordent sur l’opportunité des activités en ligne, en fonction des objectifs et du type d’activité. Les raisons de cette préférence sont une meilleure appréhension du langage corporel et non verbal, une plus grande possibilité pour chacun de s’exprimer, et l’évitement des aléas techniques dus aux outils de communications (coupure de micro, voire de connexion, fracture numérique…). Enfin, le recours à des sessions hybrides mêlant outils traditionnels et outils numériques séduit certains répondants, notamment dans la capacité à capturer et collectionner puis partager plus d’informations ou des informations différentes, grâce aux outils numériques.

Pour les facilitateurs, distanciel ou présentiel sont jouables, si on s’en donne les moyens, c’est-à-dire un outil de visioconférence, un outil collaboratif et un espace de questions/sondages/interactions. Le distanciel enlève la notion de gestion de l’espace mais accentue la gestion du temps – « si une session est prévue dans un programme de 2h, après 2h certains s’en vont ! ». Il est nécessaire malgré tout de maintenir un rythme soutenu afin d’éviter l’ennui des participants derrière les écrans, tout en ménageant des pauses pour des sessions au-delà d’une heure afin d’éviter la fatigue.

Le distanciel ne rend jamais une session impossible, au contraire il lève certaines barrières : rassemble des personnes géographiquement éloignées, donne la parole aux introvertis (aidé si pas d’obligation de caméra !) et aux non experts… Les qualités qu’un facilitateur doit avoir ne changent pas vraiment mais son rôle doit être davantage mis en avant, ainsi que les autres rôles (experts, modérateurs, support technique…). Les groupes doivent être plus petits sinon il est parfois difficile de les gérer (prise de parole + ressources pour animer) mais les méthodes et outils d’animation restent souvent les mêmes, en étant adapté à la marge ou numérisés[2]. Certaines modalités fonctionnent moins bien, par exemple la prise de parole en mode « pop-corn »[3], le facilitateur doit alors faire preuve d’inventivité et s’approprier de nouvelles méthodes d’animation.

Le rappel des règles d’un brainstorming productif, un passage toujours d’application

Enfin, dans les sessions en ligne, un rôle est revenu sur le devant de la scène et a repris toute son importance : le modérateur. Il modère le chat, donne la parole, rapporte les questions aux orateurs, gère les problèmes techniques spécifiques, indique la marche à suivre pour l’usage des outils.

En résumé, les impacts principaux du numérique sur le rôle du facilitateur peuvent se synthétiser comme ceci :

  • Compétence accrue dans la gestion des débats : il est possible que plus de difficultés surviennent pour gérer les débats et détecter le non verbal des participants. La gestion peut sembler « artificielle » car elle se fait par des coupures de micro, passage de parole « brusque »…
  • Capacité à motiver et engager la communauté malgré l’absence de contact direct avant/pendant/après les ateliers, avec les outils mis à sa disposition. En effet, il est plus compliqué de capter et maintenir l’attention et l’engagement des participants.
  • Bien choisir les outils numériques et les maitriser : le facilitateur doit pouvoir maitriser les outils numériques et l’environnement qu’il propose. Il doit être à l’aise avec les différents outils et peut éventuellement se faire aider par un co-facilitateur qui gèrera l’aspect « tech ».
  • Importance de s’identifier en tant que facilitateur, de manière explicite et d’exprimer son rôle au sein du groupe tout au long de l’atelier. Le rôle particulier du facilitateur est moins visible en distanciel car il semble avoir la même place qu’un participant lambda, la gestion de l’espace est également différente.
  • Nécessité de préparation plus minutieuse de la séance : Les temps d’interactions peuvent être allongés par des difficultés techniques (coupure de micro, mauvaise connexion…) ou de prises en main des outils. Chaque étape doit donc être plus précisément minutée et les interventions programmées afin, notamment, que des échanges plus spontanés ne soient pas raccourcis par manque de temps, ou que la séance soit exagérément allongée par rapport à l’horaire initialement annoncé.

Pour conclure,

Le facilitateur 2.0, pour faciliter les ateliers en présentiel, à distance ou en hybride, doit :

  • Avoir une bonne gestion du temps,
  • Edicter et rappeler les règles d’engagement tout au long de l’atelier,
  • Rappeler les rôles de chacun, les attentes et les objectifs,
  • Donner un suivi en fin d’atelier sur la suite des activités ou le résultat,
  • Faire preuve de bienveillance, celle-ci se définissant par rapport aux participants présents,
  • Avoir une bonne faculté de compréhension du besoin du porteur de projet,
  • Être organisé dans le choix des outils, le planning, le choix des participants[4], la communication…
  • Et enfin être capable de détendre l’atmosphère et de libérer les esprits et la parole.

Le facilitateur n’est définitivement pas un acteur du projet, il accompagne les parties prenantes dans sa co-construction.  


[1] Worklab est un cabinet de conseil et de formation, spécialisé dans le travail collaboratif, qui a développé une expertise dans la facilitation en ligne, https://www.worklab.fr/

[2] Les outils et méthodes d’animation spécifiques aux activités en ligne seront abordés dans un prochain article.

[3] La parole pop-corn est un type de prise de parole où le but est que les participants rebondissent sur les propos des uns et des autres à chaque prise de parole et cela sans pour autant les interrompre.

[4] Le facilitateur n’a pas forcément le choix des participants, il peut toutefois attirer l’attention par rapport à la taille ou à la complémentarité du groupe


Le sujet vous interpelle, vous voulez en savoir plus, aller plus loin, vous avez besoin d’un support à ce sujet … Les équipes du Click, de Design Innovation et du CETIC sont à votre écoute. Contactez-nous !

Contact Click : info@le-click.be |Contact Design Innovation : thomas.feron@designinnovation.be |
Contact CETIC : comet@cetic.be

Cet article a été réalisé dans le cadre du projet IDEES dans le cadre de la programmation FEDER 2014-2020.

Pour en savoir plus sur l’impact de la distance et de la numérisation sur la co-créativité, suivez attentivement les prochaines publications co-signées par le Click, Design Innovation et le CETIC sur le sujet.


Une réponse

  1. Berton jean-Marc dit :

    Je crois que cette évolution de rôle, avec des curseurs sensiblement déplacés avec le distanciel versus le présentiel, n’est pas spécifique au rôle du facilitateur.
    Tous les formateurs y sont, eux aussi, aussi confrontés et ont du (doivent) être vigilants faute de complètement passer à côté de leur objectif.
    Ceci dit, il y a aussi des côtés positifs (les mêmes, prblmnt).
    P ex : la palette d’attitudes des participants est plus large;
    le temps pour qu’ils soient à l’aise est plus réduit …

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